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Dans le sud, la voile fait partie du patrimoine
Mis à jour le 01 juillet 2024
Le long des mille kilomètres de côte qui bordent la Région Sud, de nombreux indices révèlent la riche histoire sportive que le territoire entretient avec la voile. Parmi les incontournables, citons le Yacht Club de Cannes (fondé en 1860), le Club nautique de Nice (fondé en 1883), la Société nautique de Saint Tropez (fondée en 1899) ou la Société nautique de Marseille (fondée en 1887). Aujourd’hui, la Marina Olympique fait partie de ces immanquables. A l’université d’Aix-Marseille, Rémi Lombardi, historien, s’intéresse tout particulièrement au patrimoine sportif régional, notamment à travers la plateforme Tepas, soutenue par la Région Sud, qui recense et donne à explorer de nombreux lieux chargés d’histoire du sport.
A quand remonte la pratique de la voile sportive et de loisirs sur le territoire ?
La voile et la plaisance apparaissent au XIXe siècle. Ce sont notamment les sportsmen anglais qui importent cette pratique, d’abord sur le littoral de la Manche au Havre, sur la façade atlantique puis en Méditerranée. Les élites sociales, à bord de bateaux pas toujours taillés pour la compétition, vont commencer à se rassembler, à s’organiser en club pour développer des régates sur tout le littoral, notamment à Cannes et Marseille. A Marseille, la première régate a lieu en 1846, elle est organisée par le maire à l’occasion du Congrès scientifique de France. Le public est au rendez-vous, mais il faudra attendre encore une quinzaine d’années avant que les régates se multiplient.
Comment cette pratique s’est-elle intensifiée ?
D’abord par l’effort des membres des sociétés nautiques qui s’organisent et proposent des compétitions durant toute la bonne saison de mars à octobre. Ces compétitions attirent un large public socialement varié. Cette première confrontation à la voile par de nouvelles catégories sociales est complétée par de premières mesures sociales en faveur des sports et des loisirs, notamment avec le développement des activités physiques à l’école ou encore avec l’apparition des congés payés sous le Front populaire. Ils permettent à de nombreux français de découvrir les plaisirs de la mer. Malgré tout, la voile reste une pratique couteuse et élitiste à la veille du conflit mondial. Après la 2nd guerre mondiale, les clubs vont essayer de s’ouvrir à d’autres publics. La Société nautique de Marseille par exemple, organise des compétitions populaires et familiales, ouvertes à tous, comme le Vire-Vire à partir de 1948. En parallèle, il y a toujours bien sûr des compétitions de haut niveau, comme la Semaine nautique internationale de Marseille qui apparaît en 1965. Enfin, il y a une volonté politique, qui se traduit le soutien aux société nautiques mais aussi par la création d’infrastructures et l’aménagement du littoral, propice à créer des interactions entre voile, mer et population.

Qu’entend-on par « patrimoine sportif » ?
Associer « sport » et « patrimoine » ne va pas forcément de soi. Mais depuis la fin du XXe siècle, le patrimoine intègre désormais le sport comme fait culturel important. On y associe alors évidemment les équipements sportifs tels que les bases nautiques ou les ports de plaisance. À Marseille, plusieurs lieux évoquent ce patrimoine. Le Vieux Port, par exemple, existe depuis longtemps, mais dans les années 60, l’aménagement du port de la Pointe Rouge et la création du centre municipal de voile participent au développement de ces pratiques, notamment en accueillant un public scolaire. Mais le patrimoine sportif est un ensemble plus large que ces structures, il comprend les clubs ainsi que des techniques, des embarcations, des symboles. L’optimist par exemple, embarcation bien connue des enfants, est une madeleine de Proust pour nombre d’entre nous. De même le trophée Florence Arthaud désormais décerné au Challenge d’Hiver à Marseille, les films du Commandant Cousteau ou encore la statue de la célèbre navigatrice Virginie Herriot sur la Croisette à Cannes revêtent un caractère symbolique fort. Le patrimoine sportif a donc aussi une vocation mémorielle que l’historien doit contextualiser. C’est tout l’objet de la plateforme TEPAS mais aussi de l’exposition Sur la vague des Jeux qui se tient aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône à Marseille jusqu’au 31 août 2024.
Comment le littoral s’est-il transformé au fil du temps ?
Le littoral est un territoire qui est particulièrement parcouru et remodelé à partir du XIXe siècle. Les élites sociales vont le prendre d’assaut et y développer des activités avec des plages aménagées, des établissements de bains de mer, des complexes hôteliers ou des lieux de divertissement comme les cinémas et les casinos, pour en faire des espaces balnéaires. Le littoral est souvent le fruit d’une construction sociale et illustre les formes d’appropriation de l’espace à travers le temps. Un territoire comme celui des plages du Prado est aujourd’hui le lieu de nombreuses pratiques, de planches à voile, de windfoil, etc. Mais à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, ce n’était pas du tout le cas. Le littoral était plutôt selon l’historien Alain Corbin un « territoire du vide » qui suscitait la crainte, un lieu de désolation. On voit donc qu’en 2 siècles, c’est un espace qui a évolué de manière radicale. Une évolution qui se poursuit aujourd’hui avec le développement de nouvelles pratiques sportives qui nécessitent des aménagements ou de nouvelles règlementations pour garantir la cohabitation des sportifs.
Qu’est-ce qu’évoque une réalisation comme la Marina Olympique a un spécialiste du patrimoine sportif ?
Il est toujours difficile pour un historien de porter un regard sur un sujet si contemporain. Ce que l’on peut dire, c’est que la Marina Olympique est en fait la poursuite d’un projet qui est né dans les années 60 avec un double objectif, encourager une pratique de pointe et diffuser la pratique de la voile au plus grand nombre. Ce double objectif est toujours présent, et reste affiché par les collectivités dans une perspective d’héritage des Jeux qui profitent à toute la population. Même si la voile s’est beaucoup démocratisée, ça reste un sport encore peu partagé dans la société, et on sait par exemple que beaucoup d’enfants marseillais ne savent pas nager. On voit bien qu’il y a là un enjeu majeur. L’histoire des Jeux olympiques montre que les équipements construits n’ont pas toujours répondu aux attentes. La marina ne devrait pas connaitre le même destin que certaines de ces structures olympiques tombées en désuétude, car elle s’inscrit dans une continuité. L’installation du pôle France de voile laisse penser qu’elle va assurer sa volonté d’être un pôle d’excellence. Maintenant remise au goût du jour, elle doit parvenir aussi à se replacer au centre des enjeux liés à la pratique sportive du plus grand nombre.