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Santé |

Drogue dans les verres : décryptage avec un médecin

Mis à jour le 07 juin 2022

Sur Instagram via le #balancetonbar, de nombreux témoignages relatent la même histoire : en soirée, après avoir bu un verre, des personnes ont éprouvé des symptômes inhabituels avant de ne plus se souvenir de rien. Depuis, ce phénomène appelé « soumission chimique » est dans tous les esprits. Quelle est l’ampleur de cette pratique, quels symptômes, comment réagir ? Nous avons posé ces questions au Dr Jenny Becam, qui appartient au service de Pharmacocinétique et de toxicologie au CHU Timone.

La soumission chimique est « l’administration à des fins criminelles (viols, actes de pédophilie) ou délictuelle (violence, vols), de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace ». Ces dernières années, de nombreux témoignages font la lumière sur ce délit (passible de 5 ans de prison et 75 000 € d’amende), et parlent de GHB ou « drogue du violeur ». Pour tenter de cerner l’ampleur du phénomène, le réseau français d’addictovigilance a mené plusieurs enquêtes. La dernière en date montre qu’en 2019, 661 observations ont été transmises par les laboratoires d’analyses et services médicaux et judiciaires, avec 522 plaintes déposées.
 

« Nous constatons une augmentation des demandes d’analyses de toxicologie pour des personnes pensant avoir été droguées mais les résultats sont majoritairement négatifs »

Du côté des laboratoires, la soumission chimique est aussi un sujet récurrent « nous constatons une augmentation des demandes d’analyses de toxicologie pour des personnes pensant avoir été droguées mais les résultats sont majoritairement négatifs » détaille le Dr Jenny Becam, assistante spécialiste en Biologie Médicale au service de Pharmacocinétique et de toxicologie du CHU Timone. « Le GHB est naturellement produit par le corps, poursuit-elle. A forte dose il peut provoquer des symptômes tels qu’euphorie, désinhibition, perte de l’équilibre puis somnolence, mais il est difficile à mettre en évidence car il n’est décelable dans le sang et dans les urines que quelques heures après l’administration. En ce qui concerne les soumissions chimiques, comme le montrent les enquêtes du réseau d’addictovigilance, les molécules les plus fréquemment rencontrées dans les cas avérés de soumission chimique sont les antihistaminiques et les benzodiazépines.Il est en effet plus facile de s’en procurer que du GHB ».

Autre sujet très médiatisé et qui, à juste titre, fait froid dans le dos : les soumissions chimiques par injection. Le Dr Becam nuance les discours alarmistes : « Jusqu’à présent, il semblerait que les analyses toxicologiques menées chez les personnes piquées n’ont pas permis d’identifier de produit en dehors d’alcool ou de cannabis».

 

 « Parfois, le fait de penser que l’on est victime d’une soumission chimique peut provoquer des symptômes comme des malaises »

Des symptômes proches de ceux provoqués par l’alcool

« Les symptômes provoqués suite à l’administration d’une forte dose de GHB se rapprochent de ceux ressentis suite à la consommation d’alcool » explique le Dr Becam. D’autre part, ces symptômes peuvent être provoqués par la prise ou l’administration d’autres produits dits psycho-actifs (médicaments ou stupéfiants tels que les amphétamines, la cocaïne, le cannabis). Ces symptômes sont variables d’une personne à une autre et chez une même personne, en effet on ne réagit pas de la même manière si on est anxieux, fatigué ou angoissé. Parfois, le fait de penser que l’on est victime d’une soumission chimique peut provoquer des symptômes comme des malaises ». Que l’on soit effectivement victime d’une soumission chimique ou pas, en cas de doute, il faut réagir vite. « Si on se sent mal, il faut se rapprocher de ses amis et se rendre dans un poste de secours ou aux urgences pour être pris en charge de façon adéquate et éventuellement réaliser des prélèvements de sang et d’urine rapidement si l’on souhaite pouvoir mettre en évidence la soumission chimique. En soirée, les règles de bon sens s’appliquent il faut surveiller son verre et ne pas s’isoler si on pense être vulnérable », conseille le Dr Becam.

Quand vous sortez, quelques précautions à prendre :

  • Informez votre entourage de votre programme

  • Ne laissez pas votre verre sans surveillance. En cas de doute, abandonnez-le.

  • Utilisez un couvercle de verre (la Région Sud en distribue 400 000 dans les bars, boîtes de nuit, en festival…)

En cas de suspicion de soumission chimique :

  • La règle d’or est de ne surtout pas s’isoler

  • Alertez votre entourage et les équipes de sécurité ou le personnel de l’établissement dans lequel vous vous trouvez.

  • Si vous êtes avec une personne qui a perdu connaissance, placez-la en position latérale de sécurité et appelez les secours

Si vous pensez avoir été drogué :

  • Faites rapidement des analyses de sang et d’urine pour constituer des preuves

  • Déposez plainte auprès de votre commissariat

  • Renseignez-vous auprès d’un centre d’addictovigilance

Mis à jour le 15 novembre 2024