La soumission chimique est au cœur de l’actualité de ces derniers mois. L’affaire des viols de Mazan notamment, met en cause Dominique Pelicot, accusé d'avoir drogué sa compagne, Gisèle, pour l’agresser sexuellement et permettre à d'autres hommes d'en faire de même, impliquant un total de 51 suspects identifiés. La députée Sandrine Josso est, elle aussi, une victime présumée de soumission chimique par le sénateur Joël Guerriau qui nie les faits. Ces affaires illustrent la violence de cette méthode et soulève des débats sur la gravité du phénomène.
Les substances administrées en cas de soumission chimique agissent généralement rapidement, pouvant désorienter la victime en quelques minutes. Il lui est difficile de prouver qu'elle a été droguée à son insu, car ces substances disparaissent vite de l'organisme, rendant les tests et les preuves médicales difficiles à obtenir. Malgré ces obstacles, les autorités et les institutions de santé publique ne relâchent pas leurs efforts pour mieux comprendre et enrayer ce phénomène.
Plusieurs dispositifs de surveillance pharmacoépidémiologiques sont mis en place, comme celui de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Joëlle Micallef, médecin et professeure de médecine, dirige le centre d'addictovigilance pour les régions PACA et Corse en charge du projet. En 2022, ce centre expert a reçu un total de 2 197 déclarations. Après évaluation, 1 229 cas d’agressions facilitées par substances (AFS) ont été retenus pour l'enquête nationale, représentant une augmentation de 69,1 %. Actif depuis plus de 30 ans, ce centre surveille et analyse ainsi l’usage des substances psychoactives et leurs effets sur la santé, qu’il s’agisse de conduites addictives liées à des médicaments ou d'autres substances, ainsi que de leur détournement pour divers usages, notamment dans le cas de soumissions chimiques.
Depuis quand ce phénomène de soumission chimique est-il suivi ?
Joëlle Micallef : La soumission chimique a été mise en lumière dans les années 80 par le professeur Jacqueline Jouglard, qui a remarqué les premiers cas d'enfants soumis à des substances sans leur consentement. Ce phénomène existe donc depuis longtemps, mais ce n’est qu'en 2003 que l'Agence du médicament a structuré son suivi et posé le terme de « soumission chimique ». Souvent, pour qu'on sache quand les choses commencent, il faut leur donner un nom. C’est presque du marketing mais comme ça tout le monde parle le même langage, même si le phénomène existe depuis longtemps.