Applications d’espionnage, utilisation frauduleuse de comptes, création de montage photos ou acharnement, les cyberviolences peuvent prendre de nombreuses formes et constituent aujourd’hui un aspect incontournable des violences faites aux femmes, et notamment aux plus jeunes femmes, et du harcèlement scolaire. Ainsi, le sondage réalisé par l’Ipsos en 2022 montre que les femmes constituent 84% des victimes et que dans plus d’un cas sur deux, elles sont âgées de moins de 30 ans au moment des faits. Jérémy Mohr décrypte ce phénomène.
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Les jeunes femmes, principales victimes des cyberviolences
Mis à jour le 12 février 2024Qu'est-ce qu'on appelle une cyberviolence ?
C'est un terme assez vaste. La cyberviolence est une violence qui utilise les nouvelles technologies pour être appliquée. On peut exercer des violences comme le harcèlement, l’intimidation ou le contrôle avec des outils de communication. Il y a donc tout un panel de violences lié aux médias numériques, qui entrent dans cette définition globale. Les cyberviolences, il y en a donc beaucoup et il peut y en avoir partout, dans le couple et en dehors du couple, elles vont dépendre de vos relations. Dans le couple, c'est souvent du cyber contrôle, avec l’installation de logiciels espions sur le portable de son conjoint ou de sa conjointe pour tracer ses déplacements. Cela étant, on peut en avoir à travers les réseaux sociaux, comme c’est souvent le cas au niveau des collèges et des lycées.
Quels cas de figure rencontrez-vous lors de vos interventions ?
On trouve souvent des situations de cyberharcèlement avec une discrimination envers une personne, liée à son orientation sexuelle, à son genre ou à ses origines, bref, par rapport à une particularité. Ça peut être aussi le fait de récupérer l'accès à un compte pour pouvoir pratiquer d'autres cyberviolences envers d'autres personnes, ou encore le fait de divulguer des informations personnelles comme le numéro de téléphone ou l’adresse d’une personne pour qu’elle soit harcelée. J’interviens beaucoup au collège ou au lycée, où on rencontre par exemple des utilisations frauduleuses d’un compte. Il arrive qu’un élève partage son mot de passe à un autre, qui va ensuite se servir du compte pour insulter un professeur, ou pour envoyer des « dick pics » (envoi non sollicité d’une photo des attributs sexuels masculins, ndlr), donc des violences sexuelles à d’autres personnes. Il arrive aussi qu’une personne soit, sur différents groupes de discussions, l’objet de moqueries, d’acharnement, de « deep fake » (montages photo hyper réalistes, ndlr) la montrant nue.
Les victimes sont-elles le plus souvent des femmes et des jeunes femmes ?
Cela peut toucher tout le monde, mais ce sont tout de même principalement les femmes qui sont victimes dans les deux sens. Elles voient leur image réutilisée dans des montages photo et reçoivent en même temps des photos à caractère sexuel non sollicitées. Quand je discute avec des groupes mixtes, les garçons ont tendance à penser qu’envoyer une photo de leurs attributs est une forme de drague, ils sont souvent influencés par une culture pornographique où la masculinité passe par la performance. Les filles, elles, évoquent la violence des images reçues, mais finissent par considérer que c’est anodin, par se dire qu’elles peuvent bloquer l’expéditeur sans que ça aille plus loin. C’est important qu’elles prennent conscience qu’il s’agit bien d’une violence et qu’elles ont la possibilité de réagir pour souligner l’impact ce type d'action. On essaye de faire prendre conscience aux jeunes que leurs actions, même par écrans interposés, ont une portée, entraînent des conséquences. Il y a tout un travail de déconstruction à mener.
Comment se prémunir de ces violences ?
En premier lieu, il faut être attentif à ce que l’on partage, que ce soit son numéro, son mail, son profil sur les réseaux sociaux ou ses identifiants et codes d’accès. Il y a souvent le cas de comptes créés à deux ou trois personne qui finit par servir à des fins négatives. Lorsque les choses se passent mal, il faut avoir le réflexe de faire des captures d’écran pour garder des preuves, qui peuvent être utiles en cas de dépôt de plainte. On sait que le partage de photo et vidéo se fait dans un cadre privé, on recommande aux couples notamment de ne pas partager d’images intimes sur lesquelles ils peuvent être clairement identifiés. Internet, c’est une photocopieuse qui tourne tout le temps, où les images circulent très vite et peuvent se retrouver sur des plateformes à n’en plus finir, il faut donc agir pour éteindre l’incendie. Il ne faut pas hésiter à appeler rapidement le 3018 ou à s’orienter vers une plateforme de signalement pour limiter la diffusion de ces images, sur le site pharos par exemple.