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© Photo de Marta Ortigosa
Environnement |

Zéro plastique en Méditerranée : de la charte à l’action

Mis à jour le 17 janvier 2022

Le plastique menace la biodiversité et notre santé. La mer Méditerranée est particulièrement exposée à cette pollution. Face à l’urgence, en Région Sud, de plus en plus d’acteurs s’emparent du défi de la réduction de ces envahissants déchets via la charte régionale « zéro déchet plastique en Méditerranée ». Rencontre avec des signataires engagés.

Gobelets, emballages, bouteilles, filets de pêche, filtres de cigarettes s’accumulent sur les centaines de kilomètres du littoral régional, puis se dispersent dans les fonds marins de la Méditerranée. Selon un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) de 2019, notre mer intérieure détiendrait désormais des concentrations quatre fois plus élevées de microplastiques au kilomètre carré que dans « l’île de plastique » du Pacifique nord, le fameux 7ème continent. Un triste record qui fait d’elle la mer la plus polluée au monde. Alors qu’elle ne représente que 0,8% des eaux du globe, 600.000 tonnes de déchets y sont déversées chaque année.

Une menace internationale

En cause, une production et une consommation excessives de plastique, mais aussi une mauvaise gestion des déchets dans toute l’Europe. 24 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites par les 22 pays de la région méditerranéenne. La plupart est rejeté en mer par les principaux fleuves de Turquie et d’Espagne, mais aussi d’Italie, d’Egypte et de France. Des déchets qui menacent tout le vivant. Le plastique abime les habitats naturels, blessent et piège les animaux. En se dégradant, il produit des micro-fragments toxiques ingérés par de nombreuses espèces malgré elles. Pour l’Homme, l’impact n’est pas moins nocif : les microplastiques empoisonnent l’air que l’on respire, l’eau et les aliments que l’on consomme.

 

La Région Sud en action

Réduction de la production et de la consommation, solution de réemploi, tri et recyclage, fin des emballages plastiques à usage unique : une autre voie est possible, vers un monde sans plastique. Depuis 2016, la Région s’est engagée dans la lutte contre cette pollution à travers un programme ambitieux visant « zéro déchet plastique en mer » à l’horizon 2030. C’est même une pionnière en la matière. Un engagement renouvelé et partagé avec l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à l’occasion du Congrès mondial de la nature qui s’est tenu en septembre dernier à Marseille.

Appel conjoint pour une Méditerranée sans plastique

Cet objectif inscrit dans le Plan climat régional, s’est concrétisé en 2019 par l’élaboration de la charte « zéro déchet plastique en Méditerranée ». Son ambition consiste à mobiliser les collectivités territoriales, les entreprises, les établissements scolaires et les associations en valorisant leurs actions exemplaires en matière de protection et de dépollution des milieux naturels. Trois leviers d’actions se combinent :

  • la sensibilisation à la prévention des déchets plastiques,
  • la diminution de l’utilisation des matières plastiques,
  • la gestion et la valorisation des déchets plastiques.

Aujourd’hui, l’Agence régionale pour la biodiversité et l’environnement (ARBE), en charge de l’animation de la charte, dénombre déjà plus de 230 signataires. La Région Sud ambitionne d’en mobiliser 500 d’ici 2026. Après plus de deux ans d’existence, la charte présente des résultats encourageants. « La plus-value de la charte, qui rend l’outil vraiment incitatif, c’est sa capacité à toucher une diversité d’acteurs et surtout à les mettre en lien. En décloisonnant les secteurs économiques, associatifs, publics, scolaires, la charte permet de donner naissance à des partenariats inédits et constructifs », décrit Claire Poulin, chargée de mission « zéro déchet plastique » à l’ARBE. Des centaines d’actions et expérimentations sont menées sur le territoire régional. Avec, à la manœuvre, des acteurs engagés de longue date, tels que la ville d’Istres, mais aussi de nouveaux venus comme la toute jeune association « Siècle bleu » qui portent la très prometteuse solution « Sea Clean ». Rencontre avec ces signataires engagés.

Des acteurs engagés contre le plastique en Méditerranée

« Sea Clean » barre la route au plastique.

Du haut de ses 17 ans, Albane Miance phosphore sans relâche pour créer la solution qui permettra de stopper les déchets plastiques qui empruntent chaque jour les voies fluviales du territoire, pour finir leur course dans la mer Méditerranée. En parallèle du Bac, également au menu de son année scolaire, elle mène ce projet de front. « Ça m’apprend beaucoup sur la gestion des priorités, c’est une préparation accélérée à la vie post-bac. », constate-t-elle. Depuis l’été 2020, cette lycéenne de terminale à l’école internationale IBS de Luynes, également à la tête de l’association qu’elle a créée, « Siècle bleu », s’investit pour mener à bien son projet « Sea Clean ». Il s’agit d’une solution totalement nouvelle qui vise à filtrer efficacement les canalisations d’eau pluviale et capturer les macrodéchets plastiques.

Tout part d’une simple vidéo sur les réseaux sociaux, celle d’un plongeur montrant l’ampleur de la pollution plastique. Albane Miance prend conscience de l’urgence du problème mais ne souhaite pas en rester là. Au salon ChangeNow de Paris, elle rencontre l’association « Plastic Odyssey » qui lui donne alors l’impulsion nécessaire pour mettre le projet sur les rails. Elle ne cessera ensuite de lui apporter son soutien. En démarrant ses recherches, Albane Miance est persuadée que des solutions existent déjà pour contenir des déchets qui proviennent à 80% de la terre. Elle se rend alors compte que les flux se déversant en mer restent très peu filtrés. Elle a alors l’idée d’une solution à la fois innovante et simple, et c’est seule qu’elle commence à travailler sur plusieurs designs de solutions. Elle se plonge avec passion dans la mécanique des fluides alors qu’elle part de zéro. En chemin, elle s’allie avec l’Ecole d’ingénierie de Lyon (INSA). 24 étudiants de 4ème année en génie mécanique vont alors lui apporter une aide précieuse. « Le but de « Sea Clean » est de poser la solution en amont, pour que tout le processus de décomposition des déchets générant les microplastiques qui opère en mer n’existe plus. L’eau salée jouant comme un accélérateur de cette décomposition. Parce que la récupération de microplastiques en mer est très complexe et coute très cher, sans parler du processus de pollution de la chaine alimentaire une fois ces déchets à l’eau, il faut pouvoir filtrer les déchets et les collecter avant qu’ils n’arrivent en mer », explique Albane Miance. Une solution innovante aussi par sa frugalité et sa simplicité : les modules installés ne nécessiteront ni motorisation ni apport d’énergie, limitant ainsi leur empreinte écologique.

En signant la charte « zéro déchet plastique en Méditerranée », Albane Miance a pu être mise en contact avec des collectivités de la région Sud, pour identifier le site pilote qui permettra de tester « Sea Clean », étape indispensable avant de déployer la solution à plus large échelle. Plusieurs communes ont déjà manifesté leur intérêt. Le dispositif devrait voir le jour au premier trimestre 2022, avant de pouvoir être expérimenté en conditions réelles à partir de cet été.

 

A Istres : municipalité et habitants traquent les déchets au quotidien

A Istres, lutter contre les sources de pollution qui menacent les espaces naturels est un combat qui ne date pas d’hier. Engagée depuis 2007 dans des campagnes de sensibilisation pour l’utilisation raisonnée des matières plastiques, la valorisation des déchets, la lutte contre les dépôts sauvages, l’organisation de grands ramassages de déchets par les habitants dans le cadre de l’événement annuel « Istres propre et durable », la signature de la charte « zéro déchet plastique » en 2019 est apparue comme une évidence. Il faut dire que sur un territoire riche de six étangs et de plusieurs zones humides, le défi de la préservation de l’eau est central. « La signature de la charte « zéro déchet plastique » a permis d’affirmer l’engagement de la collectivité sur la thématique des déchets plastiques et a renforcé sa volonté d’aller encore plus loin dans la mise en place d’actions concrètes pour la lutte contre cette pollution », explique Rachel Dubreuil, directrice environnement et développement durable de la ville d’Istres.

Parmi ces actions, la traque aux mégots de cigarettes fait partie des priorités. La collectivité a ainsi procédé à l’installation d’une cinquantaine de cendriers urbains, de cendriers de plages ainsi que la distribution de plusieurs milliers de cendriers de poche, toujours au plus près des usagers. « Travailler à l’échelle locale est très pertinent pour agir au quotidien et favoriser ainsi l’adhésion du public » confirme Rachel Dubreuil. Les mégots, une fois récoltés, sont recyclés et valorisés en un combustible spécifique, réutilisable notamment dans la fabrication du ciment. Tout récemment, la municipalité a également décidé de placer des filets de récupération des déchets dans les réseaux d’eaux pluviales. Ces filets servent à filtrer les micro et macrodéchets en sortie d’exutoire, afin d’éviter qu’ils ne se déversent dans l’Etang de Berre et celui de l’Olivier, puis en mer. Des filets, dont les déchets sont régulièrement collectés par la société régionale Pollustock, avant d’être ensuite envoyés en centres de tri. Pour ce projet, la commune a pu bénéficier d’un soutien technique précieux de l’ARBE, qui l’a aidée à identifier la solution la plus adaptée. Car s’engager dans la charte « zéro déchet plastique en Méditerranée » c’est bénéficier de conseils techniques, faire partie d’un large réseau d’acteurs et de partenaires, échanger sur les bonnes pratiques mais aussi valoriser les actions mises en place auprès du grand public. S’engager dans la charte c’est, en somme, faire partie d’une dynamique qui permet de lutter collectivement contre la pollution plastique.

Prochaine édition de « Istres propre et durable » le 7 mai prochain.
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Anne-Sophie Lebon

Mis à jour le 14 novembre 2024