Les lycéens de la Région Sud sur les traces de la mémoire de la Shoah

La Shoah, extermination des Juifs d’Europe par l’Allemagne nazie, a causé la mort de 5 à 6 millions de personnes. Le camp d’Auschwitz-Birkenau est probablement le lieu le plus marquant de cette page noire de notre histoire. A l’occasion des 80 ans de la libération du camp le 27 janvier 2025, des lycéens de la région Sud s’y sont rendus pour une visite empreinte d’émotion.

Le devoir de mémoire, pilier de l'éducation de notre jeunesse

La politique de la Région Sud en matière de devoir de mémoire s'articule autour de trois priorités : 

  • Entretenir et perpétuer le souvenir des grands conflits du XXe siècle et de ceux qui sont morts pour la France pendant ces événements,
  • Faire vivre la mémoire de nos concitoyens rapatriés d’Algérie, Harkis et Pieds Noirs,
  • Entretenir la mémoire de la Shoah et œuvrer pour la diffusion de sa connaissance auprès des jeunes générations.

Pour perpétuer la mémoire de l’Holocauste, la Région a renforcé ces dernières années son partenariat avec deux fondations majeures :

  • La Fondation du Camp des Milles, soutenue à hauteur de 350 000 € (chiffre 2021), et dont les travaux du mémorial ont été financés à 21 % par la Région. En 2023, un partenariat a été mis en place, visant à valoriser le patrimoine historique régional lié à la mémoire de la Shoah et à déployer un projet éducatif pour les lycéens.
  • La Fondation du Mémorial de la Shoah avec le dispositif « Mémoire et Citoyenneté ».

Dans ce cadre, le Mémorial de la Shoah et la Région Sud organisent chaque année un voyage d’études à Auschwitz pour un groupe de lycéens, précédé par une visite du Mémorial de la Shoah à Paris. Les lycées sélectionnés doivent élaborer un projet pédagogique autour de ces visites, qui débouche sur une journée de restitution officielle organisée par la Région au dernier trimestre de l’année scolaire.

Pour le voyage de cette année, qui marque les 80 ans de la libération du camp, quelques centaines d’élèves de première et de terminale issus de 10 lycées de la région (à Manosque, Gap, Salon-de-Provence, Menton, Antibes, Draguignan, Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, Nice) et des membres du Parlement Régional des Jeunes se sont rendus en Pologne jeudi 23 (au départ de Nice) et vendredi 24 janvier (au départ de Marseille).

Lors de la visite du 24 étaient présents une délégation d’élus régionaux emmenée par Nicolas Isnard, Vice-Président de la Région Sud représentant le Président Renaud Muselier, une équipe du Mémorial de la Shoah à Paris menée par l’historien Olivier Lalieu, une équipe du Camp des Milles menée par Nicolas Sadoul, directeur de la Fondation du Camp des Milles, ainsi que des représentants des associations juives.

La visite

La visite commence par le camp d’Auschwitz II, situé dans la ville de Birkenau (Brzezinka en polonais), distante de trois kilomètres d’Auschwitz. La tristement célèbre tour de surveillance de l’entrée est temporairement recouverte par une grande tente blanche, prévue pour accueillir les dignitaires étrangers lors de la commémoration des 80 ans de la libération du camp. Dès l’entrée, des baraques apparaissent à perte de vue (plus de 300 au total), entourés par de sinistres rangées de barbelés. Ces baraquements, où étaient détenus les prisonniers, étaient divisés en plusieurs parties : la section des femmes, la section des hommes, la section des familles…

Au centre, une voie ferrée coupe le camp en deux. C’est par ces rails qu’arrivaient les trains de déportés et sur les quais desquels avait lieu la « sélection ». La plupart, en majorité des femmes, des enfants et des hommes âgés, étaient directement envoyés vers les chambres à gaz pour y être tués, avant que leur corps soit brûlé à l’air libre ou dans des fours crématoires. Au passage, leurs effets personnels, y compris leurs dents en or, étaient volés par les nazis et entreposés dans un bâtiment surnommé le « Canada ». Ceux qui échappaient à la mort immédiate étaient détenus pour effectuer des travaux forcés, directement dans le camp ou dans une usine des alentours.

Emprunter le chemin qui mène aux anciennes chambres à gaz est une expérience éprouvante : c’est ici, dans cet espace d’à peine 25 hectares, qu’ont été exterminés 1 million de personnes, dont 76 000 déportés de France et plusieurs milliers de la Région Sud, notamment raflés à Marseille en janvier 1943. Ces données, astronomiques, donnent le tournis : elles ne doivent pourtant pas faire oublier que derrière chacun de ces chiffres, il y avait une mère, un père, un fils, une fille, un frère, une sœur. Des chambres à gaz et fours crématoires installés pour faire tourner cette usine de la mort, il ne reste rien, ou presque : ils furent démolis par les nazis avant de fuir le camp.

La visite du camp d’Auschwitz II se termine par une cérémonie d’hommage organisée au pied du monument à la gloire des victimes, installé en 1967 pour rendre hommage en 20 langues aux morts de la Shoah. Nicolas Isnard, Vice-Président de la Région Sud, y dépose une gerbe au nom du Président Renaud Muselier, accompagné de deux lycéens. Une minute de silence est ensuite respectée. Quelques minutes auparavant, M. Isnard avait rappelé dans un court discours les dangers du racisme, de l’antisémitisme et de la haine, des mots qui résonnent particulièrement dans ce lieu, incarnation de tout ce que l’être humain est capable de produire de pire.

La seconde partie de la visite se déroule dans le camp de concentration d’Auschwitz I, dont l’entrée illustre le cynisme du régime nazi (Arbeit macht frei signifie « Le travail rend libre » en allemand). Cette enseigne est néanmoins une reconstitution : l’originale fut volée, puis retrouvée brisée il y a quelques années. Ce camp, même s’il fut à l’origine d’un nombre considérable de victimes, n’est pas un camp d’extermination comme l’était celui d’Auschwitz II. Il s’agit d’un camp de travail, où l’exécution systématique des déportés n’était pas la règle. Leur détention était toutefois particulièrement inhumaine, comme l’illustrent les différentes expositions installées dans les baraquements.

Les baraques 4 et 5 contiennent la mémoire la plus palpable du génocide, et nous rattachent directement aux victimes et à leur vie. Y sont entassés deux tonnes de cheveux récupérés sur les détenues, et qui ont servi à fabriquer de la toile de jute et autres tissus, un amas de boîtes vides de Zyklon B, poison utilisé pour gazer les victimes, des tas de chaussures, de montures de lunettes, de valises, de prothèses, de béquilles… Tout ce qui faisait d’eux des êtres humains, avec une vie, une histoire, une famille, un passé, un présent, un avenir, fut balayé par l’Allemagne nazie. La guide rappelle alors aux jeunes présents qu’il leur revient de « veiller sur la vérité de l’Histoire ».

Une salle présente ensuite une galerie de portraits d’enfants et d’adolescents, déportés de France puis assassinés à Auschwitz. Ces photos permettent de mettre des noms, des visages et des histoires sur les chiffres. Parmi les 76 000 déportés depuis la France, certains noms résonnent : le grand avocat Pierre Masse, le petit Georgy Halpern, déporté avec les enfants d’Izieu, ou encore la grande écrivaine Charlotte Delbo. Seuls 2500 sont revenus de l’enfer. Avec la Pologne et la Hongrie, la France est un des pays qui compte le plus grand nombre de déportés. Nous nous trouvons à l’autre bout de l’Europe, mais c’est aussi l’histoire de notre pays qui est ici racontée.

La visite se termine par une chambre à gaz, la seule du camp d’Auschwitz I, qui fut utilisée pour « tester » le procédé qui sera utilisé de manière industrielle dans le camp de Birkenau, et qui servit ensuite d’abri antiaérien. 70 000 personnes y ont péri dans d’atroces souffrances, et il est impossible de regarder ces murs gris et abîmés par le temps sans penser à l’horreur qu’ils ont hébergé. Dans la salle suivante, deux fours crématoires rappellent le terrible sort réservé aux victimes, effacées de ce monde dans les flammes. La guide conclut cette journée chargée en émotions par un appel à la jeunesse : portez et transmettez la mémoire du génocide pour que l’humanité ne revive jamais cela.

Témoignages

Commémorer Auschwitz est essentiel. Essentiel pour honorer les victimes de cette tragédie, mais aussi et surtout pour réaffirmer notre engagement à lutter contre les fléaux que sont le racisme, l’antisémitisme et le rejet de l’autre. Faire vivre la mémoire, c’est engager notre capacité à construire une société juste, où chacun peut vivre libre et en sécurité, quelles que soient sa religion, sa condition, ses origines, ou sa culture. C’est pour cela que la Région Sud a mis en place le dispositif Mémoire et Citoyenneté qui permet à des centaines de lycéens de visiter Auschwitz chaque année. 

Les jeunes d’aujourd’hui sont assaillis d’images, d’informations, parfois vraies, parfois fausses, où tout se mélange. C’est grâce à leur capacité à réfléchir et à déceler le vrai du faux que l’on sera capables, collectivement, de rendre l’humanité meilleure. Depuis 80 ans, Auschwitz nous confronte aux aspects les plus sombres de la nature humaine, mais aussi à ses aspects les plus lumineux, et cela ne doit jamais nous conduire à désespérer. C’est le message porté par les survivants.

La Fondation du Camp des Milles est partenaire de la Région Sud pour perpétuer le devoir de mémoire. La Région, qui soutient la Fondation depuis sa création, permet à des lycéens de visiter chaque année le Camp des Milles, et d’en apprendre plus sur l’histoire de la Shoah. Nous fournissons également des supports pédagogiques à destination des enseignants et nous organisons des ateliers dans les lycées pour prévenir les phénomènes de radicalisation. Enfin, nous accompagnons, par des sessions de formation, le Parlement Régional de la Jeunesse ou encore la Garde Régionale des Lycées.

Après cette journée à Auschwitz, j’ai pleinement pris conscience de l’ampleur des atrocités qui y ont été commises. Voir les vêtements d’enfants, d’hommes et de femmes, tout en sachant le sort tragique qui les attendait, m’a profondément bouleversé. Une question me tourmente : comment l’humanité a-t-elle pu sombrer dans une telle barbarie ?

Ethan, élève de première

Ce voyage m’a ouvert les yeux sur la cruauté et la violence de ce génocide. Il m’a également permis de mieux comprendre la différence entre camp de concentration et camp d’extermination. Avant, je connaissais l’histoire de l’holocauste, que j’étudie depuis le collège. Maintenant, je la comprends.

Nabil, élève de terminale

Ce voyage a été pour moi une expérience très marquante. Voir de mes propres yeux les lieux où plus d’un million de victimes innocentes ont perdu la vie m’a bien sûr beaucoup émue, mais cela m’a surtout permis de mieux comprendre combien le devoir de mémoire est important et pourquoi il est essentiel de ne pas oublier le passé.

Clarisse, élève de terminale

Auschwitz en dates clés

08 octobre 1939

Événement - 00:00

L'Allemagne nazie annexe l'ouest de la Pologne

La ville d'Oświęcim est rebaptisée sous le nom allemand d'Auschwitz.

27 avril 1940

Événement - 00:00

Etablissement du camp de concentration

Ordre donné par Heinrich Himmler, chef de la SS.

14 juin 1940

Événement - 00:00

Un premier groupe de prisonniers polonais arrive dans le camp

Pendant deux ans, la majorité des détenus seront polonais.

01 septembre 1940

Événement - 00:00

Construction du camp de Birkenau

Oswald Pohl, responsable de l'économie au sein de la SS, exige une augmentation des capacités du camp. En mars 1941, Himmler autorise également la construction d'un camp annexe à Birkenau (Auschwitz ...

20 janvier 1942

Événement - 00:00

La conférence de Wannsee

La conférence de Wannsee, réunissant les hauts responsables nazis, établit les modalités pour mettre en œuvre la « solution finale ». Cette décision formalise la politique génocidaire déjà amorcée en ...

25 janvier 1942

Événement - 00:00

Début de la déportation en masse des Juifs d’Europe

Himmler ordonne que les Juifs soient prioritaires parmi les déportés au camp d’Auschwitz II. Les premiers convois arrivent le mois suivant.

04 juillet 1942

Événement - 00:00

La « sélection » à l'arrivée des trains devient une pratique systématique

Les déportés jugés inaptes au travail sont immédiatement envoyés dans les chambres à gaz. Ce procédé est appliqué à tous les convois, en provenance de l'Europe entière.

01 novembre 1944

Événement - 00:00

Himmler ordonne la destruction des infrastructures du camp

Dès janvier 1945, face à l’avancée de l’armée soviétique, environ 60 000 détenus sont forcés de quitter Auschwitz pour d'autres camps, entamant les tristement célèbres « marches de la mort ».

27 janvier 1945

Événement - 00:00

L'armée soviétique libère Auschwitz

Au total, 960 000 Juifs ont péri dans le camp, ainsi que 21 000 Tsiganes, 15 000 prisonniers de guerre soviétiques et 10 à 15 000 détenus d’autres nationalités. 

Sources : Mémorial de la Shoah, Le Monde, Auschwitz de Tal Bruttmann

Mis à jour le 31 janvier 2025