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©Claude Almodovar
Agriculture, Économie-Entreprise, Eco-développement

Bertrand Mazel, riziculteur : "Le riz incarne une source de biodiversité"

Mis à jour le 01 mars 2023

La riziculture s’épanouit en Camargue depuis le XVIe siècle. Aujourd'hui, elle représente 30% de la production nationale de riz. Nous avons rencontré Bertrand Mazel, riziculteur et Président de l’union des producteurs riziculteurs européens, du Syndicat des Riziculteurs de France et Filière à Arles et du centre de recherches variétales le Centre Français du Riz à Arles.

Quelle spécificité détient la Camargue pour permettre la culture du riz ?

Bertrand Mazel : C’est essentiellement lié à une situation géographique caractéristique et un environnement propice à sa culture. Le riz est une plante aquatique en eaux douces. Elle a besoin, de luminosité des températures douces et du vent. Nous bénéficions de tous ces atouts grâce à notre climat méditerranéen et le mistral. En Camargue, la culture du riz vivre plus de 2000 emplois, et près de 180 exploitations avec les emplois qui en découlent. 

Quelle est la particularité du riz de Camargue ? 

Depuis l’année 2000, le riz de Camargue bénéficie d’une IGP*.

Le riz de Camargue IGP propose une diversité de variétés telles que le rond, long, moyen, le brun ou cargo, blanc ou blanchi, colorés (rouge ou noir), étuvé ou incollable, spécial risotto, naturellement parfumé.

Quelles que soient ses formes, le riz de Camargue IGP camarguais est riche en saveurs avec des qualités nutritionnelles spécifiques car il est naturellement dépourvu de gluten.

En quoi consiste le travail d’un riziculteur ?

Notre travail est essentiellement sur le terrain. Il faut garder propre les parcelles, surveiller jusqu’à ce que le riz sorte de l’eau, que les flamants roses ne viennent piétiner les parcelles. Veillez à l’entretien des fossés pour maitriser l’alimentation en eau et le maintien d’une lame d’eau constante. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le riz n’aime pas l’eau de mer. Les plantes peuvent accepter un taux de salinité entre 2 et 3% maximum. Donc il faut veiller à ce que l’apport d’eau douce soit équilibré et ce, au quotidien.

Les surfaces consacrées à la culture du riz diminuent chaque année, pourquoi ?

En effet, la production de riz de Camargue a considérablement baissé en 30 ans.  Le riz de Camargue doit répondre à des règlementations très strictes par rapport aux autres pays producteurs de riz, ce qui réduit nos perspectives et découragent certains exploitants. Les riz originaires d’Asie ont envahi le marché et sont extrêmement concurrentiels sans les mêmes contraintes environnementales. Par ailleurs, sur environ 12000 ha de culture, la production de riz de Camargue reste limitée. Nous avons de plus en plus de demandes de la part du consommateur qui s’intéresse à l’IGP* car il a la garantie d’une traçabilité exemplaire.

Quelles sont les contraintes environnementales ?

Les mauvaises herbes constituent le fléau récurrent de la riziculture. Nous sommes soumis à des normes européennes auxquelles se juxtaposent des normes françaises.Par exemple, sur les désherbants autorisés, l'Italie peut utiliser 24 molécules, 18 pour l'Espagne, et 8 pour la France. Cette disparité place la riziculture camarguaise en grande difficulté. Nous sommes également sur un territoire classé réserve de biosphère et réseau Natura 2000, de fait, nous sommes dans un fragile équilibre entre espaces cultivés et espaces naturels. Nous sommes favorables à la renaturation de la Camargue, mais pas si elle doit se faire au détriment des activités humaines. Or, c’est actuellement le cas. 

« Le riz incarne à lui seul, une indéniable source de biodiversité. Si la riziculture s’amenuise, l’écosystème camarguais est impacté ! »

 

Est-ce que le déclin de l’activité a un impact sur l’écosystème local ?

Le riz incarne, à lui seul, une indéniable source de biodiversité. Alors effectivement, si la riziculture s’amenuise, cela impacte l’écosystème camarguais. Cette baisse d’activité augmente par ailleurs le taux de salinité des parcelles abandonnées nous devons sans arrêt réajuster le niveau d’eau douce afin de ne pas perdre les terres cultivables. Car les cultures immergées constituent de véritables tampons dans les nappes phréatiques et agissent contre la salinisation des terres. Nous pourrions élargir les surfaces semées à 5 000 ha ou 8 000 ha de plus, mais nous sommes dans une impasse technique qui nous empêche d'aller plus loin.

Avez-vous une marge de manœuvre pour y remédier ?

Nous connaissons notre travail et les enjeux, ce serait bien d’être plus écouté sur notre savoir-faire, car le riz est une composante de la Camargue. Mais les solutions ne sont pas des plus simples. Nous ne souhaitons pas utiliser plus de pesticides, mais même si le riz bio est une alternative sérieuse, il ne répond ni à tous les besoins, ni à la productivité attendue si nous souhaitons une culture du riz pérenne.L'option du bio, représente actuellement 25% des surfaces. 

Le Parc naturel régional de Camargue arbitre les différents usages de l’eau sur le secteur. Entre une nécessaire protection d’un écosystème unique au monde et les activités humaines agricoles, l’équilibre est fragile. L'omniprésence du riz en Camargue est principalement due à son rôle de dessalement des terres. Le riz constitue le pivot du système agricole en Camargue. Sa culture nécessite en effet 400 millions de m3 d’eau douce chaque année, ce qui confère à la Camargue toute sa richesse, en faisant baisser la salinité des sols. C'est pourquoi une concertation est indispensable. Elle est animée par le Parc naturel régional au sein d'une "Commission exécutive de l'eau" où tous ces intérêts sont représentés. Dans un tel contexte, un garde est chargé d'assurer, sur le terrain, la surveillance et les opérations d'ouverture et de fermeture des vannes d’eau .

*Indication géographique protégée (sigle européen)

 

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Mis à jour le 15 novembre 2024