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Egalité professionnelle : il y a du boulot !

Mis à jour le 30 octobre 2024

En entreprise, les inégalités entre femmes et hommes persistent. Entre le poids des préjugés, des stéréotypes, le syndrome de la bonne élève et le manque d’affirmation, Marie Bournazel, intervenante au forum Respect pour les femmes, évoque les causes de ces disparités et propose des pistes de solutions.

Chaque année, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes publie l’Index Pénicaud, destiné à réduire les inégalités salariales. Le dernier rapport met en lumière les lents progrès de la société sur ce sujet. Ainsi, le revenu salarial moyen des femmes est inférieur de 24 % à celui des hommes dans le secteur privé. À poste comparable, l’écart de salaire en équivalent temps plein est de 4 %. L’écart de pensions de retraite atteint 40 %, en raison des différences cumulées tout au long de la carrière.

Ces écarts s’expliquent notamment par la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel (80 %), la moindre valorisation des métiers majoritairement occupés par des femmes, ou encore la parentalité, qui creuse l’écart salarial entre parents à mesure que le nombre d’enfants augmente. À ces facteurs s’ajoutent des stéréotypes profondément enracinés : 67 % de la population juge normal que les femmes s'arrêtent de travailler plus longtemps que les hommes après la naissance d'un enfant, et 28 % des hommes âgés de 25 à 34 ans estiment que "les hommes sont davantage faits pour être patrons".

Pour comprendre pourquoi ces inégalités perdurent et comment y remédier, Marie Bournazel, conférencière et formatrice spécialisée dans l'égalité femmes-hommes au sein du cabinet Alomey, répond à nos questions.

Comment expliquer que les femmes aient encore aujourd’hui un salaire inférieur à celui des hommes et occupent souvent des postes à moindre responsabilité ?

Cela s'explique en grande partie par le poids de l’Histoire. Longtemps, les femmes ont travaillé gratuitement dans les fermes ou les commerces familiaux, ou n’ont pas travaillé du tout, notamment celles issues des classes aisées. Elles ont eu un accès tardif au travail salarié, et cette histoire est profondément ancrée dans les mentalités. Cela se reflète, par exemple, dans le rapport différent qu’ont les femmes avec l’argent et la négociation salariale. De plus, il y a peu de modèles féminins en matière d'entrepreneuriat, ce qui limite les références pour celles qui veulent s’y lancer.

La maternité est également un frein majeur à la carrière des femmes. Les inégalités de revenus et de postes s’expliquent en grande partie par le fait que les femmes assument 80 % des tâches domestiques et des soins aux enfants. Cette charge non rémunérée freine leur progression professionnelle, tandis qu’elle libère du temps pour leurs conjoints, leur permettant de se consacrer davantage à leur carrière.

Enfin, le poids des stéréotypes ne doit pas être négligé. Ils sont souvent intériorisés et transmis, parfois inconsciemment. Les petites filles s'orientent davantage vers des carrières littéraires, moins bien rémunérées, tandis que les garçons choisissent plus fréquemment des carrières scientifiques. Cela explique pourquoi les femmes sont sous-représentées dans des secteurs comme les nouvelles technologies.

Quel rôle jouent les préjugés dans la différence de traitement entre les femmes et les hommes au travail ?

Les femmes sont souvent perçues comme dociles, serviables, douces et empathiques, des qualités associées à la féminité mais jugées incompatibles avec l’image du leader. Elles sont vues comme des êtres émotionnels, alors que les hommes sont considérés comme rationnels. Dans le monde du travail, les émotions sont souvent mal perçues, surtout chez les hommes. La seule émotion qu’un homme est "autorisé" à exprimer est la colère. Pourtant, intégrer les émotions dans l’entreprise pourrait favoriser des relations plus équilibrées et productives. En conséquence, ces stéréotypes intériorisés vont faire qu’on ne proposera pas certains postes à des femmes et que les femmes elles-mêmes s’empêcheront d’y postuler. Ces stéréotypes ont des impacts très concrets et encore très puissants.

Sur quels aspects de leur vie professionnelle les femmes peuvent-elles travailler pour améliorer leur situation ?

Même si l’on dit que les femmes doivent travailler sur certains aspects, cela ne signifie pas qu’elles ont un problème en soi, mais que le monde professionnel a été façonné par et pour les hommes, avec des valeurs spécifiques. Comprendre les mécanismes des inégalités permet de revoir ses croyances, ses ambitions, son rapport à l’argent et ses choix. Les femmes doivent apprendre à se valoriser, à ne plus s’excuser d’être là, ni minimiser leurs accomplissements. Suivre des programmes de développement de carrière des femmes, créer ou rejoindre des réseaux de femmes est très important. On sait que leur parole est moins entendue, ce qui renforce un sentiment d’illégitimité. Elles ont aussi tendance à utiliser le "on" plutôt que le "je", diluant ainsi leur responsabilité et leurs réussites. Ce comportement est lié au syndrome de la bonne élève, où l’on croit qu’il suffit de bien travailler pour être reconnue. C’est faux. La visibilité, le réseau et la communication sur ses réalisations comptent pour 60 % dans les promotions. Les réseaux sociaux professionnels peuvent être un outil utile à cet égard.

Une prise de conscience doit-elle s’opérer du côté des collaborateurs masculins ?

Absolument. Ce serait bénéfique pour tout le monde. Lorsque nous organisons des tables rondes sur l’égalité, les hommes y assistent rarement, car ils ne se sentent pas concernés. Pourtant, le changement est mieux accepté et les efforts sont plus facilement fournis quand tout le monde a à y gagner. Les stéréotypes affectent aussi les hommes. Il est nécessaire de prendre conscience de ces stéréotypes pour créer des espaces de liberté, autant pour les femmes que pour les hommes, notamment ceux qui souhaitent s’investir davantage dans leur paternité sans subir des horaires de travail interminables.

Retrouvez Marie Bournazel au forum Respect pour les femmes !
Le 14 novembre à l’Hôtel de Région, de nombreuses masterclass vous attendent. Vous pourrez ainsi participer aux ateliers pour s’affirmer au travail, lutter contre les violences, stopper une relation toxique, ou apprendre à se défendre
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Mis à jour le 14 novembre 2024