On estime que l’élevage a vu le jour il y a 11 000 ans, donnant naissance à une nouvelle relation liant l’Homme, l’animal et la nature, fondée sur un équilibre des ressources. Tout autour de la Méditerranée, les bergers et leurs bêtes ont commencé à se déplacer, à tracer des sentiers et forger les paysages, se transmettant au fil des siècles savoir-faire et lieux d’estives. Si les pratiques ont bien sûr évolué au gré du temps, l’élevage pastoral reste profondément ancré dans les cultures alpines et provençales.
Pourquoi transhume-t-on encore en 2024 ?
Marcher pendant de longues heures, braver les éléments, rester isolé dans les alpages… transhumer n’est pas une mince affaire. Le principal avantage de la transhumance est de permettre aux bêtes de profiter des verts fourrages d’altitude, là où la rudesse de l’été a jauni toute l’herbe du pourtour méditerranéen. Le déplacement permet à certains troupeaux de trouver dans la nature la majeure partie de leur alimentation et de bénéficier d’un menu varié avec, selon l’itinéraire : pelouses sèches ou steppiques, landes à genêt ou à buis, garrigues et maquis, milieux humides ou forêts pâturés de chênes, pins ou mélèzes. L’autre point fort de la transhumance et du pastoralisme en général, c’est sa capacité à entretenir et débroussailler les forêts pour limiter le risque incendie. C’est donc une pratique vertueuse pour les animaux et pour l’environnement.
De quelles bêtes parle-t-on ?
La transhumance concerne selon les régions du monde, les vaches, les brebis, les chevaux, les rennes ou les yaks ! En Provence, on trouve surtout des chèvres et des brebis, de races rustiques qui ont fait leurs preuves : bonnes marcheuses qui ne font pas la fine bouche. On trouve ainsi souvent la brebis Mérinos d’Arles, la brebis Mourérous (« museau roux » en provençal) ou la brebis Préalpes du Sud avec son lainage fin. Il n’est pas rare de voir quelques chèvres du Rove accompagner les transhumances ovines, connues pour caractère bien trempé qui leur permet d’aider à mener les troupeaux. D’autres animaux sont également précieux à la bonne marche de la transhumance, comme le Flocat, (agneau castré) et les chiens de berger dont l’emblème local est l’infatigable chien de Crau, souvent remplacé par le Border Collie. L’autre rôle essentiel est bien sûr celui de la protection contre le loup et les prédateurs, aujourd’hui assuré par les Patous, mais un temps confié au Dogou provençal, une race aujourd’hui disparue.
Qui sont les bergères et les bergers d’aujourd’hui ?
En 2020, plusieurs acteurs du monde de l’élevage ont mené une étude pour mieux comprendre le profil et les attentes des bergers des temps modernes. Elle révèle des profils relativement jeunes (un âge médian de 34 ans), masculins et venus du monde rural. La majorité a embrassé cette profession par amour de la nature, de la montagne et des animaux. Les bergers évoquent leurs nombreuses missions, eux qui doivent connaitre le milieu montagnard, conduire et soigner les bêtes, dresser les chiens, communiquer avec les autres usagers de la montagne (randonneurs, vététistes…). C’est un métier que tous qualifient de rude, physiquement et mentalement avec une forme d’isolement, des cabanes d’alpage qui manquent de confort et des contrats saisonniers instables. Pourtant, ce métier attire toujours autant de candidats, attirés par l’appel de la nature. 4 bergers interrogés sur 5 ne demandent qu’une chose : pouvoir continuer de le pratiquer, dans de bonnes conditions.